Dans ma vie spirituelle, j'ai toujours eu une certaine crainte: être chrétien, connaître la Bible et passer à côté de ce que Dieu attend de moi. Oui, être chrétien et en même temps être totalement à côté de la plaque. Certains seront étonnés de cela et seront enclins et même pressés de sortir toutes sortes de phrases pour tenter de me contredire, comme si ce que je disais ici est une ineptie totale. Pourtant la Bible regorge d'exemples de personnes qui se croyaient du côté de Dieu et étaient totalement en dehors de son projet.
D'ailleurs, Jésus va illustrer les qualités de ceux qui le suivent. "Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom? n'avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom? Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité." (Matthieu 7: 21 à 23). Ce qui est paradoxal dans ce texte, c'est que ceux que Jésus rejettent ont fait pleins de bonnes œuvres pour le Seigneur. Ils ont même prophétisé et fait des miracles, ce que nous pourrions considéré comme le sommet le plus haut de la vie spirituelle. Pourtant, Jésus dit ne pas les connaître. Oups! Oui, ma plus grande crainte, c'est d'être totalement à côté de la plaque tout en croyant être sur la bonne voie et être au final rejeté par Jésus.
Comment ne pas arriver à ce point ? Mon expérience personnelle m'a montré la nécessité de me remettre sans cesse en question. La nécessité de questionner continuellement ce en quoi je crois. Mais il me faut aussi l'humilité de reconnaitre que je ne sais pas tout et que je suis en cours de téléchargement. Cela sous-entend le fait que je puisse me tromper lourdement. Il se pourrait que le point de vue que je défends aujourd'hui avec une conviction sincère soit totalement faux. Je dois alors pouvoir dire que je me suis trompé et demander pardon.
Lorsque nous analysons la vie de l'apôtre Paul, il y a toujours une chose qui a attiré mon attention et qui rentre parfaitement dans le cadre de notre réflexion aujourd'hui. Nous pourrions diviser sa vie en deux parties, avec comme délimitation sa vision sur la route de Damas.
Il y a d'abord Saul de Tarse. Cet éminent théologien juif. Reconnu pour ses connaissances de la loi juive. Cet enseignant brillant auprès de qui on recherche conseils et lumière sur les enseignements de la Torah. C'est un vrai docteur de la loi avec toute la crédibilité qui va avec ce titre. Sa parole et son point de vue comptent dans la communauté juive.
Pourtant, face à Jésus, le Messie si longtemps attendu, Saul de Tarse aura une réaction assez bizarre. Face aux enseignements du Christ, propagés par les apôtres, Saul de Tarse va avoir une réaction quasi violente. Lui qui connait le texte sacré, et donc les éléments permettant de reconnaitre le Messie, ne voit pas en Jésus le Sauveur tant attendu. Il le combat. Il combat ses disciples. Il les persécute. Il participe à leur mise à mort. Il en fait une affaire personnelle. Il met en place une vraie organisation avec l'aval des autorités religieuses de son époque pour exterminer toute personne qui parlerait de Jésus comme étant le Messie.
J'ai toujours essayé de comprendre ce qui se pouvait se passer dans la tête de Saul de Tarse. Comment peut-on à ce point se tromper tout en étant un fin connaisseur des prophéties bibliques ? Comment pouvait-on renier certains enseignements de base pour défendre une opinion qui n'a rien à voir avec la vérité ou l'enseignement biblique ? Parce que les 10 commandements enseignent de ne pas tuer. Pourtant, cela ne dérange pas Saul de Tarse de lapider des dizaines de personnes. Dans son entreprise de défense de la vérité, cela ne lui pose aucun problème. Pour lui, il est en train de défendre Dieu et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Comment être aussi aveuglé ? Pourtant, Saul de Tarse est sincère. Il croit faire le bien. Il croit fermement participer au projet de Dieu. Il est convaincu d'être dans le droit chemin. Il combat la vérité. Il tourne, sans le voir, le dos au plan de Dieu. Il s'est enfermé dans sa bulle. Il semble refuser de réfléchir. Il n'y a rien de nouveau à découvrir dans la vérité. Il sait tout et il n'y a rien d'autres à dire. Il ne faut surtout pas venir déranger sa manière de voir les choses. Sa manière de fonctionner. Et puis qui sont ces nouveaux enseignants qui viennent renverser l'ordre établi : des pécheurs de poisson ? Ils n'y connaissent rien à la Torah. Ils n'ont pas fait d'étude. Lui est reconnu comme un docteur de la loi.
Oui, il peut m'arriver d'être sincère dans un fonctionnement, dans une attitude, dans la défense d'un point de vue; et en même temps, être totalement à l'opposé du plan de Dieu. Oui, je peux être aveuglé par ma manière de voir au point de combattre le plan de Dieu. Je peux être actif dans la vie de ma communauté religieuse et avoir des motivations cachées qui annihilent toutes les bonnes actions que je peux faire. Je peux croire être sur la bonne voie et être désespérément loin de la route qui mène vers le ciel. Oui, je peux un activiste dans ma vie d'église, mais pas rempli du zèle que donne l'Evangile de paix. Je peux sincèrement me tromper. Oui, je peux me tromper même si je suis convaincu d'être sur la bonne voie. C'est toute l'histoire de Saul de Tarse. Je peux être aussi un fin connaisseur du texte biblique et me tromper lourdement sur ce que Dieu veut. Je peux être un chrétien pratiquant et être totalement en dehors du projet de Dieu.
Et Dieu va arrêter Saul de Tarse sur la route de Damas. Jésus va se présenter à lui. Il va alors entendre cette voix: "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?" Saul n'est pas étonné par cette théophanie. Il ne dit pas qu'il a eu peur. Il entend une question et il pose une autre question: "Seigneur, qui es-tu ?". On dit que répondre par une question peut viser trois buts: creuser la question, repousser la réponse ou botter en touche. Je ne sais pas quelle était l'intention de Saul de Tarse en posant sa question. Mais je veux imaginer que Saul de Tarse ne cherchait pas à creuser la question ou à savoir plus sur celui qui lui parlait. Sa réponse indique qu'il sait qui lui parle. Je veux imaginer que Saul se rend compte de quelque chose, qu'il repousse la réponse et en même temps botte en touche. Et la réponse qu'il entend en questions tout ce qu'il vient de faire et ce qu'il s'apprêtait à faire: "Je suis Jésus que tu persécutes."
Dans cette réponse, en un instant, Saul de Tarse est face à sa propre réalité. Il fait face à son erreur, à ses errements. Il se rend subitement compte de la plus sublime des manières qu'il s'est trompé. Sublime manière parce que Jésus lui-même se révèle à lui. Cette révélation le pousse à poser une question: "Qu'est-ce que je dois faire ?" Il a fallu cette rencontre pour qu'il pose la bonne question. Il s'était embarqué dans une mission de persécuteur sans avoir demandé à Dieu son avis. Et pour terminer cette épisode de sa vie, celui qui croyait voir et comprendre devient aveugle. Maintenant qu'il comprend et voit spirituellement, il est physiquement aveugle. Dieu a des manières de nous ramener à la réalité qui sont souvent déconcertantes.
Et depuis ce jour, Saul de tarse est devenu Paul, l'apôtre de Jésus de Nazareth. De persécuteur, il est devenu persécuté. Et désormais, il demande à l'Esprit de Dieu la route qu'il doit suivre. Il ne se lance plus tête baisée dans des actions sans réfléchir. Et toutes ses lettres nous invitent à être rempli de l'Esprit, à naître chaque jour de nouveau, à ne pas nous laisser engluer dans des habitudes, mais à sans cesse nous laisser guider par l'Esprit. Il nous invite sans cesse à ne pas faire confiance à la chair et à voir les choses par les yeux de l'Esprit.
Aujourd'hui, avec cette crise sanitaire, je vois des chrétiens sur les réseaux sociaux avec des idées tellement arrêtées sur des sujets dont la Bible ne donne pas de réponses explicites, que je me pose des questions. Se pourraient-ils que certains d'entre nous, moi le premier, je sois en train de faire sincèrement des choses que Dieu ne nous a pas demandés ? En tant qu'église, est-ce que nous ne sommes pas en train de nous perdre dans des choses qui ne correspondent pas à la volonté de Dieu ? Nous pouvons le faire sincèrement et avec conviction, mais l'expérience de Saul de Tarse nous montre que la sincérité ne suffit pas. Il nous faut donc aujourd'hui de manière et collective chercher la fac et la volonté de Dieu.
Nous vivons une crise sans précédent. Une crise dans laquelle l'Eglise doit continuer à jouer son rôle. Cette crise demande sûrement que nous sortions de nos sentiers battus, que nous nous adaptions, que nous changions nos méthodes et notre manière de concevoir nos programmes, notre vivre ensemble. Ne soyons pas comme Saul de Tarse fermé à toute nouveauté, à toute évolution. Ne refusons pas de nous adapter simplement pour garder nos bonnes vieilles habitudes.
Dans ce temps particulier, ne soyons pas des Saul de Tarse, qui s'embarquent dans une sincérité toute enfantine et sans avoir consulté Dieu, dans des projets et actions que Dieu ne nous a pas demandé et qui font plus de mal que de bien à l'œuvre de Dieu. Ne soyons pas des Saul de Tarse qui, aveuglés par leurs propres perceptions ou la peur de perdre leurs habitudes, ne se rendent pas compte qu'ils ne font pas l'œuvre de Dieu.
Que Dieu me préserve de l'attitude de Saul de Tarse! Que Dieu m'aide à repousser l'idée que je sais tellement plus que les autres que je n'ai pas besoin de leurs conseils ! Que Dieu m'aide à ne pas considérer seulement mes idées comme étant les meilleures et à toujours le consulter dans toutes les décisions que je prends. Que, comme Paul, je sois toujours à la recherche du baptême quotidien du Saint-Esprit! Que le Seigneur m'aide à ne pas m'appuyer sur ma seule perception de son œuvre et à prendre conscience que l'unité est primordiale pou terminer la mission!
Comentarios